Chkoun nta ? Khalid Jamaï.50 ans de la mémoire marocaine post-indépendance.Inclassable révolté en quête d’auteurs et de reconnaissances. Éléments pour une notice biographique.

Chkoun nta ? Khalid Jamaï.50 ans de la mémoire marocaine post-indépendance.Inclassable révolté en quête d’auteurs et de reconnaissances. Éléments pour une notice biographique.

 

Unanimes , les condoléances et les hommages se sont multipliés depuis le décès de Khalid Jamaï, 77 ans , le 1er juin 2021 .Du plus haut sommet de l’État aux cercles des citoyens qui s’intéressent à la chose publique, le portrait de l’homme à été rappelé et salué.
Que restera-t-il demain de toute cette légitime émotion ?
Que faire de l’héritage du militant de la liberté d’expression ?
Vivant, il rappelait avec fougue et impertinence les principes , au-delà des cas et des situations.
Mort, son exemple notoire serait-il si dérangeant pour les tenants des pouvoirs en place ?
Pour son fils Aboubakr honorer son père aujourd’hui « c’est aussi se battre » pour les journalistes incarcérés injustement pour leur opinion. Est-ce suffisant en twittant sur cette direction ?
Lui Khalid Jamaï, aussi têtu que les faits ( son métier dans une autre vie) n’aurait pas laissé passer une telle oraison funèbre sans commentaire.
Faut-il laisser le temps faire son œuvre ?
Pour un certain Twitter « le peuple marocain méritait un devoir de mémoire, un dialogue de vérité [ post mortem?] entre Aboubakr et son père  » .
Il est vrai que sont interpellés ici les proches mais aussi les amis , les dépositaires de témoignages et ceux que tente la biographie de Khalid Jamaï . Lui même, un rare témoin direct pendant 50 ans de la vie publique au Maroc et bien au-delà.

Le regard jeté sur la scène de sa disparition ne s’est focalisé pour l’instant que sur la dimension mediatico-politique du fils de Bouchta, du père d’Aboubakr, né à Fés, décédé à Rabat et enterré à Casablanca. Un itinéraire qui s’achève par un symbole : le cimetière Al Ghofrane, le Pardon, l’Absolution. Khalid Jamaï était aussi l’homme du pardon. N’a-t-il pas retrouvé son ancien pourfendeur le puissant Ministre d’État de l’Intérieur et de l’Information Driss Basri abandonné à son sort, esseulé ?

Mais bien avant de s’engouffrer dans cette vie journalistique et de militantisme citoyen Khalid Jamaï se trouvait à l’aise dans son élément de jeunesse culturelle et intellectuelle. De Derb Soltane à Casablanca au cabinet du Ministre des affaires culturelles, Mohamed El Fassi , à Rabat, rue Ghandi, Khalid Jamaï cohabitait avec tout un monde qui s’offrait à lui : Théâtre, musique, peinture, cinéma, lettres, éditions.Il n’était pas que spectateur, il n’hésitait pas à s’engager aux côtés des artistes. Et à prendre la plume ou des sous de sa poche pour les accompagner dans leurs manifestations et exhibitions. On l’a bien vu en mentor de Nass Ghiwan et autres.


Ces racines culturelles de ses vingt ans, on les retrouvera plus tard.Ainsi au cinéma dans le film « Un simple fait divers  » de Hakim Nouri il jouait presque son personnage réel, celui de Chkoun Nta . La séquence à été tournée dans le siège du journal Albayane au bureau du directeur Ali Yata,le secrétaire général du PPS ( ex PCM, le Parti Communiste Marocain).

Khalid Jamaï acteur est aussi un cinéphile avisé. Lui qui ne manquait pas d’humour aurait bien ri si on le présente en reprenant le titre du film américain « Le Roi et Moi » . N’a-t-il pas assez souligné que l’impasse politique au Maroc menait ,au fond , à Dar Al Makhzen ? Lui et le Makhzen, un parcours achevé au Cimetière Al Ghoffrane ?
Une vie exaltante. En littérature et en philosophie ça nous renvoie à « l’homme révolté » d’Albert Camus. Khalid Jamaï sisyphe de notre temps? Pourquoi pas ?

Théâtralement en évoquant « À chacun sa vérité  » et  » Six personnages en quête d’auteur » pièces du dramaturge italien Luigi Pirandello , on peut bien explorer certaines facettes de Khalid Jamaï.
Sa vie est un roman d’amour pour la dignité des marocains. Une légende à écrire. Pour lutter contre l’oubli. L’urgence est de reunir ses contributions de son vivant et de rechercher les témoignages directs de ceux qu’il a côtoyé. Le temps ne pardonne pas. Le devoir de mémoire c’est maintenant.

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