Du bon usage des appels au boycott. Un spectre large, des applications peu résistantes.
Depuis le week-end apparaissent faiblement sur quelques réseaux sociaux et dans des groupes d’internautes des appels au boycott des produits espagnols et des échanges avec Israël.
Si le boycott contre toute normalisation avec Israël fait presque l’unanimité des marocains, il en est autrement avec le voisin incontournable, l’Espagne.
La culture du boycott, bien qu’intégrée dans l’inconscient religieux du marocain et du prolongement de sa conscience nationaliste arabe, ne retrouve pas toutes ses marques dans le cas de ce voisin ibérique et canarien.
Il n’y a pas que le Nord qui commerce avec l’Espagne avancent ceux qui émettent des réserves sur une compagne encore balbutiante .
Le boycott économique ou politique n’est pas un jeu de rôle ou de société. Et si certains se rappellent le succès du boycott de 2018 , devenu un cas d’école, la situation actuelle n’est pas la même. Le boycott populaire de cette année là concernait trois grosses entreprises prédatrices et se positionnait dans le cadre de la protection du pouvoir d’achat de la majorité de la population.
Aujourd’hui en visant les produits espagnols les promoteurs de cette escalade devraient s’arrêter devant des données têtues et se poser des questions pertinentes. Si ce boycott s’applique aujourd’hui que faire des produits achetés, payés et emmagasinés chez les grossistes et les détaillants marocains ? Périmés ou non faut-il les jeter sans dédommagement ?
Les produits espagnols c’est aussi une multitude de produits alimentaires, industriels et vestimentaires fabriqués au Maroc par un millier d’entreprises espagnoles installées au Maroc ? Va-t-on faire abstraction des milliers de marocaines et de marocains qui travaillent dans ces entreprises qui opèrent au Maroc en toute légalité ? Sans oublier ni les marocains résidants en Espagne ni ceux qui vont commencer, espérons le, à traverser dans un mois bientôt la péninsule pour passer leurs vacances estivales, chez eux,au Maroc ?
Autre incongruité de ces appels hâtifs au boycott, celui incitant les marocains à ne pas voyager en Espagne , ni à y passer des vacances , alors que la pandémie du Covid19 ainsi que les mesures restrictives des déplacements ne sont pas encore , ni levées , ni encourageantes .
Nous sommes bien loin de la magnificence des boycotts nationalistes contre les occupants français à la veille de l’indépendance. Ou même , toutes proportions gardées , contre les musiques, les films et les publications de l’Égypte nasserienne, soutien de l’Algérie lors de la guerre des sables en 1963 .
Pour l’anecdote , et en guise de conclusion dans le même contexte , l’expérience arabe peut être invoquée à juste titre. Une loi arabe unifiée sur le boycottage en a été le summum. Et depuis 1951 l’Office Arabe du Boycottage d’Israël ( OBI ) orchestre , depuis Damas capitale d’une Syrie révolutionnaire exemplaire , cette action anti-israélienne et antiantisioniste. Plus de 6300 compagnies et 96 pays étaient inscrits dans sa liste noire . Il y avait le boycott direct ( celui des pays arabes ) celui secondaire ( les entreprises de pays tiers traitant avec Israël) et enfin le boycott tertiaire concernant des entreprises liées ou en relation avec d’autres entreprises déjà boycottées !
Tout un impressionnant montage pour aboutir à quel résultat d’attitudes dans l’immédiat comme sur la durée ? Le boycottage mérite bien une réflexion attentive de ceux qui veulent le lancer comme auprès de ceux qui l’amplifient en le diffusant sans discernement.