Inquiétudes croissantes autour des directives européennes impactant les banques marocaines et les transferts des MRE
Les récentes directives émises par l’Union européenne concernant les banques étrangères opérant au sein de ses États membres suscitent une vive inquiétude chez les autorités et les institutions bancaires marocaines. Ces directives pourraient avoir des conséquences négatives sur les transferts de fonds des Marocains résidant à l’étranger (MRE), une source cruciale de devises pour l’économie du pays.
Initialement, ces directives visaient à restreindre les activités des banques britanniques suite au Brexit. Cependant, elles s’appliquent également à l’ensemble des banques étrangères, y compris les banques marocaines présentes dans sept pays européens. Ces établissements bancaires jouent un rôle essentiel dans la facilitation des transferts de fonds des MRE vers le Maroc.
Les directives ont été émises par la Direction générale de la stabilité financière, des services financiers et de l’Union des marchés de capitaux (FISMA), sous l’égide de la Commission européenne, et adoptées par le Parlement européen. Elles pourraient, selon les experts, entraver le flux de ces transferts, portant ainsi un coup dur à l’économie marocaine.
Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al-Maghrib, a exprimé publiquement ses préoccupations à ce sujet lors d’une conférence de presse organisée à l’issue d’une réunion du Conseil du Bank Al-Maghrib.
Face à cette situation, les autorités marocaines, notamment le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l’Économie et des Finances, ainsi que Bank Al-Maghrib, ont entamé des négociations avec la Commission européenne et les autorités compétentes dans plusieurs pays clés comme la France, l’Espagne, l’Italie, la Belgique et les Pays-Bas. L’objectif est d’assurer une mise en œuvre souple de cette nouvelle réglementation.
Une nouvelle série de discussions est prévue pour débuter en octobre et devrait se poursuivre jusqu’à la fin de l’année, selon le gouverneur Jouahri.
Par ailleurs, les craintes sont renforcées par les restrictions potentielles qui pourraient être imposées aux activités des banques marocaines dans certains pays européens, sur fond de montée des courants politiques d’extrême droite qui alimentent un climat d’incertitude.
Malgré ces tensions, les transferts des MRE ont connu une croissance soutenue ces dernières années. D’après les chiffres du Bureau des changes, les envois de fonds ont enregistré une hausse annuelle moyenne de 19% entre 2020 et 2023, atteignant 115,3 milliards de dirhams en 2023, soit une augmentation de 4,1% par rapport à l’année précédente.
Pour la période allant de janvier à juillet 2024, ces transferts ont déjà dépassé 68 milliards de dirhams, représentant une hausse de 3,3% par rapport à la même période en 2023. Les prévisions estiment que ces envois pourraient atteindre 121,8 milliards de dirhams d’ici 2025, avec la France en tête des pays d’origine des transferts (30,8%), suivie de l’Espagne (12,6%), de l’Arabie Saoudite (10,7%) et de l’Italie (9,2%).
L’enjeu pour le Maroc est donc de parvenir à un compromis avec l’Union européenne afin de préserver cette source essentielle de devises, tout en évitant une perturbation majeure de l’activité des banques marocaines opérant en Europe.