Les peines alternatives : vers une nouvelle approche de la politique pénale au Maroc.
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Le gouvernement marocain s’est réuni aujourd’hui le 20 novembre 2024, pour la mise en œuvre de la loi relative n° 43.22 relative aux peines alternatives, publiée au Journal officiel le 22 août 2024.
Il est important de souligner, que les peines alternatives s’inscrivent dans le cadre de la consolidation de l’Etat de droit et la protection universelle des droits de l’homme au Maroc. En effet, l’Etat de droit au Maroc tire sa légitimité de l’attachement dans le préambule de la constitution de 2011aux droits de l’homme, comme ils sont universellement reconnus. Ceci explique, pourquoi le législateur marocain a introduit les peine alternatives dans le Code de la procédure pénale, fondée sur l’harmonisation de l’arsenal pénal national avec le normes internationales.
Dans ce contexte, la loi relative n° 43.22 relative aux peines alternatives, publiée au Journal officiel (n°7328) le 22 août 2024, a pour objectif la réduction des peines privatives de liberté de courte durée et d’éviter les problèmes liés à la surpopulation dans les établissements pénitentiaires.
Aussi, la loi relative n° 43.22 permet aux condamnés à des peines privatives de liberté de courte durée, ayant acquis « la force de la chose jugée », de pouvoir bénéficier du système de peines alternatives, en respectant les recommandations du Conseil des droits de l’homme de Genève, à l’occasion de l’Examen Périodique Universel lors de la session de 2022.
Cependant, l’indépendance du pouvoir judiciaire revêt une importance toute particulière dans la mise en œuvre des peines alternatives, puisqu’elle est tributaire du respect des droits judiciaires des citoyens en toute égalité devant la loi.
Cela dit, la loi n° 43.22 sur les peines alternatives, concerne uniquement les délits dont la peine n’excède pas cinq ans d’emprisonnement ferme, et exclue par conséquent, les crimes graves qui portent atteinte à la sécurité de l’Etat, à la moralisation de la vie publique, à l’ordre public et à la paix sociale, tels que les crimes organisés, ou les crimes commis par les récidivistes.
En vertu de l’article 2-35 de la loi n° 43.22, les peines alternatives sont définies comme le travail d’intérêt général, la surveillance électronique, la restriction de certains droits ou l’imposition de mesures de surveillance, de traitement ou de réhabilitation, ainsi que l’amende journalière.
Dans ce sens, l’article 3-35 dispose que les peines alternatives ne peuvent pas être appliquées aux délits liés aux crimes contre la sécurité de l’État et au terrorisme; le détournement ou la corruption; l’abus de pouvoir; le gaspillage des fonds publics; le blanchiment d’argent; les crimes militaires; le trafic international de drogues; le trafic de substances psychotropes; le trafic d’organes humains; l’exploitation sexuelle des mineurs ou des personnes handicapées.
De plus, l’article 5-35 stipule que le tribunal peut ordonner une peine de travail d’intérêt général en remplacement de l’emprisonnement si le condamné a au moins quinze ans au moment du jugement. Ce travail est non rémunéré et doit être réalisé pendant une période allant de 40 heures à 3.600 heures au bénéfice des services de l’État, des collectivités territoriales, des institutions ou des organisations œuvrant pour les droits et libertés, la bonne gouvernance, les institutions publiques ou caritatives, les lieux de culte, ou d’autres organisations ou associations non gouvernementales travaillant pour le bien commun.
Par ailleurs, la surveillance électronique comme alternative à l’emprisonnement, consiste à contrôler les mouvements et les déplacements du condamné par un ou plusieurs dispositifs de surveillance approuvés.
Dans ce contexte, la loi n° 43.22 octroie au juge le pouvoir discrétionnaire de déterminer le lieu et la durée de la surveillance, en tenant compte de la gravité du crime, des circonstances personnelles et professionnelles du condamné, de la sécurité des victimes et du respect des droits personnels des personnes accompagnant le condamné.
En outre, l’article 12-35 de ladite loi permet de prononcer une ou plusieurs de ces mesures, telles que: exercer une activité professionnelle ou suivre une formation professionnelle spécifiques; résidence à un endroit déterminé avec interdiction de le quitter ou de le quitter à certaines heures; interdiction de fréquenter certains lieux ou à certaines heures; surveillance avec obligation de se présenter à des dates précises, soit au centre pénitentiaire, soit au poste de Police ou de la Gendarmerie royale, soit au bureau de l’assistance sociale du tribunal; interdiction de contacter ou d’approcher les victimes du crime ; suivi d’un traitement psychologique ou antidrogue; réparation des dommages causés par le crime.
En guise de conclusion, nous allons constater que la mise en application de la loi n° 43.22 est fondée sur l’indépendance du juge, qui est une nécessité inhérente au respect des dispositions des peines alternatives dans le contexte de la légalité de la loi et l’égalité des citoyens devant la loi, ainsi que c’est un moyen qui permet non seulement la réduction des peines privatives de liberté et mettre fin aux problèmes liés à la surpopulation dans les établissements pénitentiaires, mais aussi de rationaliser les dépenses publiques et garantir la perception de la confiance que le public doit avoir du pouvoir judiciaire.
*Doyen Youssef El Bouhairi, Professeur à la Faculté de Droit de Marrakech.