Réflexions  sur le contexte législatif de l’interdiction du travail des enfants au Maroc.

Réflexions  sur le contexte législatif de l’interdiction du travail des enfants au Maroc.

La dernière session de l’Organisation Internationale du Travail, tenue le 19 mars 2025 à Genève a adopté  la décision d’organiser la 6e Conférence mondiale sur l’élimination du travail des enfants au Maroc. A l’occasion de cet événement mondial, nous apportons une réflexion sur le contexte législatif de l’interdiction du travail des enfants au Maroc entre la loi 19-12 et  la pratique.

L’Organisation Internationale du Travail a  qualifié les dispositions de la  Conventions internationale (n° 138) sur l’âge minimum de 1973 et de la Convention internationale (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants de 1999 comme des normes internationales qui s’inscrivent dans l’abolition effective du travail des enfants.

Dans ce sens,  la garantie de l’interdiction du travail des enfants en toutes circonstances est considérée comme un principe fondamental du droit international de travail, qui relève de la responsabilité des Etats et que la violation de cette règle impérative constitue un fait internationalement illicite, en vertu de l’article premier du code de la responsabilité des Etats de 2001.

Depuis quelques années, la situation des travailleurs domestiques bénéficie d’un grand intérêt de la part du gouvernement marocain avec l’adoption de la loi 12-19 sur les conditions d’emploi et de travail des employés de maison, qui cherche à couvrir les travailleurs domestiques par le droit et la protection sociale, leur accorder des droits économiques et sociaux et contribuer à la lutte contre l’emploi des enfants de moins de 15 ans et à l’incrimination de tout travail précoce.

En effet, la loi n°19-12 relative aux conditions de travail et d’emploi des travailleur(s)es domestiques entre en vigueur le 02 octobre 2018, soit un an de la publication au Bulletin Officiel n°6609 du 02 octobre 2017, du décret n°2-17-355 du 31 août 2017 fixant le modèle du contrat de travail pour la travailleuse ou le travailleur domestique et du décret n°2-17-356 du 27 septembre 2017 complétant la liste des travaux, dans lesquels il est interdit d’employer les travailleuses et travailleurs domestiques âgés entre 16 et 18 ans.

De ce fait, les dispositions de l’article 6 de la présente loi, précise que l’âge exigé en vue d’embaucher un travailleur domestique est fixé à 18 ans.

Cependant, il est toléré d’embaucher les travailleurs âgés entre 16 et 18 ans pendant une période transitoire ne dépassant pas les cinq ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi, sous réserve de respecter les conditions suivantes :

1-l’assentiment du tuteur dans un acte écrit ayant date certaine est exigé pour être employé comme travailleur domestique;

2-Une visite médicale pour les travailleurs domestiques mineurs, est exigée tous les six mois. Cette visite est prise en charge par l’employeur ;

3-Le travail de nuit est interdit pour cette catégorie de travailleurs. Par conséquent, il est interdit d’embaucher les travailleurs domestiques mineurs pour des travaux dont la liste sera fixée par un texte réglementaire ;

4-La période de travail de 48 heures par semaine fixée pour les travailleurs domestiques majeurs est réduite à 40 heures pour ceux âgés entre 16 et 18 ans.

La loi 19-12 mentionne que, la violation de ces conditions de l’article 6 de la présente loi, expose les contrevenants à des amendes prévues dans les articles 23 et suivants.

Cela dit,  la réalité nous démontre,  que les « petites bonnes »  sont exploitées souvent dans des conditions inhumaines, dans la mesure où le travail domestique se traduit dans de nombreux cas par un volume horaire et  une charge excessive, un salaire dérisoire, en l’absence de toute protection légale. D’autant plus, que les « petites bonnes »   travaillent souvent dans des ménages privés, ce qui rend très difficile le contrôle de  leurs conditions de travail.

En guise de conclusion, il est important de souligner que plusieurs  organisations nationales et internationales sont particulièrement préoccupées par la question des petites bonnes au Maroc. Le Collectif  Associatif  « pour l’éradication du travail des petites bonnes » a invité le gouvernement marocain de « porter à 18 ans l’âge légal  d’accès au travail domestique », et « d’inscrire le travail domestique parmi les travaux dangereux interdits aux moins de 18 ans ». Ce Collectift dénonce l’absence de « moyens de lutte efficace et vigoureuse contre l’exploitation économique des enfants », sachant que le Maroc a signé et ratifié la quasi-totalité des conventions et instruments internationaux relatifs à la protection de l’enfance.

 

*Doyen Youssef El Bouhairi Professeur à la Faculté de Droit de Marrakech

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *